Liquid Chemical Suspension Coating : un procédé innovant pour le post‑traitement des pièces métalliques en fabrication additive

Par Jean-Yves Milojevic, dirigeant d'AML Innovation

Le procédé LiCS Coating® (Liquid Chemical Suspension Coating), développé pour les surfaces complexes (cavités internes de petites tailles et de géométries élaborées), par AML Innovation, ouvre de nouvelles perspectives pour le post-traitement des pièces métalliques issues de fabrication additive. Par l’application d’une suspension métallique suivie d’un cycle thermique, il permet de réduire la rugosité, de piéger les particules détachables, de fonctionnaliser les surfaces et d’assurer l’étanchéité de canaux internes. Cet article présente les principes, performances et limites de ce procédé, en le comparant aux techniques traditionnelles de métallisation, avec un focus sur ses applications potentielles en aéronautique, spatial et défense.

1. Contexte industriel et verrous techniques du post‑traitement en FA métal
Les procédés de fabrication additive (FA), comme la fusion sur lit de poudre (PBF-LB/EB) ou de dépôt d’énergie dirigée (DED) permettent des géométries optimisées et des structures compactes, mais génèrent globalement des qualités de surface dégradées (Ra typiques de 10 à 40 µm), des particules partiellement fusionnées et des porosités/lacunes issues d’un manque de fusion ou d’effets « keyhole ». Ces irrégularités de surface des pièces détériorent les performances mécaniques (notamment la fatigue), la résistance à la corrosion/oxydation et, pour certaines applications notamment hyperfréquences (guides d’onde, cavités, coupleurs), elles augmentent les pertes surfaciques, l’onde stationnaire et le PIM (Passive Intermodulation).
Les post‑traitements conventionnels[1] — polissages mécaniques, chimiques et électrochimiques, les traitements thermiques, ainsi que les traitements hybrides — répondent partiellement aux cahiers des charges mais restent coûteux, souvent compliqués à mettre en œuvre dans les canaux internes complexes, et restent contraignants d’un point de vue environnemental et de qualification.
Dans les échangeurs thermiques aéronautiques[1], par exemple, la FA métal ouvre la voie à des architectures compactes à surfaces d’échanges élevées, mais la maîtrise des parois minces, de l’étanchéité et des tolérances ainsi que la diminution des rugosités internes restent un enjeu critique et largement documenté. De façon générale, l’optimisation des performances requiert des solutions de finition internes sélectives et compatibles avec les alliages utilisés (Ti‑6Al‑4V, Inconel, aciers, CuCrZr).
La majorité des procédés de post-traitement conventionnels reposent sur l’ablation de la couche superficielle du matériau. À l’inverse, la technologie LiCS Coating® adopte une approche de nivellement par addition de matière, consistant en l’application d’un revêtement, autrement dit le dépôt d’une couche supplémentaire à la surface.

2. Principe du procédé LiCS Coating® (Liquid Chemical Suspension Coating)
Historiquement créé pour fonctionnaliser les canaux internes de guides d’ondes de petites dimensions, LiCS Coating ® est une technologie de revêtement basée sur une suspension à base liquide contenant de la poudre de métaux/alliages métalliques. La composition de ces suspensions peut être adaptée à chaque substrat ainsi qu’aux exigences de performances spécifiques (anticorrosion, durcissement de surface ou encore augmentation de la conductivité), ce qui constitue l’un des principaux avantages de la technologie. Un autre avantage consiste dans l’adaptation à toutes formes, tailles et types de substrats qu’ils soient métalliques ou céramiques, qu’ils soient usinés ou obtenus par impression 3D grâce à ses modes d’enduction : par injection (seringue), application au pinceau, au trempé ou projection au pistolet (figure 1). Ce dépôt est suivi d’un cycle thermique réalisé sous vide qui permet d’éviter l’oxydation du couple substrat/revêtement. Durant ce cycle, la diffusion mutuelle entre le substrat et la suspension génère une zone d’interface métallique caractérisée par une adhérence « métal/métal » forte et stable, ainsi qu’une excellente tenue en service.
Caractéristiques clés : 

  1. épaisseur ajustable de l’ordre de 30–150 µm par passe, jusqu’à ~0,8–0,9 mm en version renforcée ; 
  2. revêtement usinable/polissable ; 
  3. aptitude à piéger les particules non fusionnées et à colmater les porosités superficielles, avec un effet de lissage marqué ; 
  4. application sélective (zones fonctionnelles) y compris dans des ouvertures de petits diamètres (< 0.8mm);
  5. résistance fonctionnelle au‑delà de 300 °C selon la nature des revêtements déposés ; 
  6. compatibilité, sous conditions, avec un brasage réalisé au même cycle thermique (co‑procédé) ; 
  7. compatibilité, sous conditions, avec les traitements thermiques post impression – relaxation, recuit, vieillissement – (co‑procédé) ; 
  8. donne une fonction à la surface, qu’elle soient cosmétique ou technique.

3. Essais représentatifs et exemples d’utilisation par domaine d’application
Des démonstrateurs ont été évalués sur des substrats fréquemment utilisés dans les domaines aéronautique et spatial : titane TA6V (PBF‑LB et EBM), Inconel 718 et alliages de nickel, aciers et inox, cuivre et CuCrZr, ainsi que céramiques techniques (Al2O3, ZrO2, SiC). 
Les dépôts conducteurs à base d’argent ou de nickel et les dépôts à base de titane ont été étudiés pour couvrir respectivement des besoins de conductivité, de protection corrosion/oxydation et de durcissement superficiel. Le LiCS Coating® base argent possède actuellement une qualification pour la réalisation de pièces aéronautiques.
L’épaisseur du revêtement obtenu a été mesuré entre 30 µm et 150 µm pour la plupart des pièces RF et jusqu’à 800 µm pour des besoins de rechargement ou de rattrapage de géométrie. Les coupes micrographiques ont confirmé l’homogénéité et la compacité des couches, l’absence de porosité ouverte et la continuité métallurgique de l’interface (figure 2). Sur TA6V EBM à rugosité initiale Ra ≈ 40 µm, un Ra ≈ 7 µm a été mesuré après LiCS Coating® (figure 3a) ; sur des surfaces moins rugueuses, des réductions typiques de 20 à 70 % des états de surfaces ont été observées selon la morphologie et le paramétrage des suspensions (figure 3b).
En fatigue, par flexion rotative sur TA6V PBF‑LB (épaisseur de couche base Ag ≈ 38 ± 11 µm), on a observé un gain de durée de vie pouvant atteindre 300 %, attribué à l’atténuation des concentrations de contraintes liée à la suppression des irrégularités de surface. Des éprouvettes poreuses issues d’EBM, rendues étanches par LiCS Coating®, ont montré des niveaux d’étanchéité compatibles avec un vide poussé (10-9 mbar).

4. Intérêt spécifique pour les pièces hyperfréquences imprimées en 3D
Les composants hyperfréquences (guides d’onde, coupleurs, filtres à cavités, résonateurs) imprimés en alliages Ti‑6Al‑4V (figure 2), Inconel ou CuCrZr souffrent classiquement de pertes métalliques accrues et d’une dispersion géométrique qui dégrade le TOS (Taux d’Onde Stationnaire), la bande passante ainsi que les pertes. Les études menées pour le spatial soulignent que la rugosité et les tolérances de fabrication restent, à ce jour, les limitations majeures au déploiement de l’impression 3D en environnement mission. La métallisation sélective de la peau conductrice par LiCS Coating®— notamment à base d’argent — est une voie directe pour diminuer la résistance de surface, stabiliser les performances dans les bandes X/Ku/Ka et réduire les risques de PIM liés aux interfaces imparfaites et aux oxydes.

Figure 1. Schéma du processus de revêtement :
(1) pièce à revêtir – pièce en titane imprimée en 3D dans cet exemple particulier ; 
(2) préparation de la suspension LiCS Coating® ; 
(3) application de la suspension, dans cet exemple particulier – par injection 
      pour couvrir la cavité interne de la pièce ; (4) cycle thermique sous vide.

Figure 2. Microscopie optique d'un filtre RF en alliage TA6V obtenu par fabrication additive et revêtu par d'un revêtement à base d'argent (ligne blanche dans la cavité interne du filtre). L'épaisseur du revêtement est ≈ 100 µm.

Tableau 1. Famille de post‑traitement

Figure 3. Exemples d'utilisation de la technologie LiCS Coating® : (A) substrat en TA6V obtenue pas EBM. Rugosité de la surface d'impression brute (au-dessus) 
Ra ≈ 40 ± 2,22 µm, rugosité de la surface revêtue (en bas) est Ra ≈ 7 ± 1,35 µm ;
(B) substrat en Cu pur obtenue par fabrication additive avant et après traitement LiCS Coating®

Comparé aux placages chimiques et électrolytiques classiques, LiCS Coating®apporte :

  1. l’accessibilité aux canaux internes tortueux sans mise en place de bains et cathodes dédiés
  2. une interface métallurgique moins sujette au décollement sous cycles thermiques (vide spatial) ;
  3. une compatibilité avec des substrats de faible conductivité thermique (titane) où un placage peut être délicat. Sur des cavités ou guides en TA6V, un dépôt base Ag jusqu’à 100 µm fournit une peau conductrice homogène (figure 2).

5. Comparaison aux post‑traitements usuels de la fabrication additive métal
Le tableau 1 synthétise les caractéristiques de quelques familles de post‑traitements vis‑à‑vis des besoins « ­aéronautique/défense/spatial ». Les procédés d’ablation (polissages, usinage, laser) sont efficaces sur les surfaces accessibles mais montrent leurs limites dans des architectures enclavées. 
Les procédés de placage requièrent des préparations de surface spécifiques, des bains chimiques et des cathodes, et restent sensibles à l’adhérence en conditions sévères. LiCS Coating® se positionne comme un procédé de dépôt « sous vide » sélectif et multi‑matériaux, opérable à l’intérieur de canaux internes complexes.
Cf. tableau 1.

7. Mise en œuvre et contrôles : intégration dans la chaîne de fabrication additive
Le procédé s’insère après ébarbage/découpe‑plateau. Suivant les matériaux, les cycles thermiques de détente ou de vieillissement peuvent être compatibles avec le dépôt LiCS coating®. Une préparation des surfaces à traiter est réalisée si nécessaire pour ôter toute pollution. L’application sélective est suivie d’un cycle sous vide dont la température/temps sont adaptés au couple dépôt/substrat. Les contrôles incluent : mesures d’épaisseur (métallographie), profilométrie 3D, mesure de rugosité, essais d’adhérence, étanchéité, conductivité de surface et, pour pièces RF, mesures de TOS et de pertes.

8. Cas d’usage visés (défense, aéronautique, spatial – et au‑delà)

  • Chaînes RF hyperfréquences : guides, cavités, coupleurs, filtres où l’on recherche une peau conductrice homogène et stable sous cycles thermiques ;
  • Échangeurs compacts imprimés : colmatage de la porosité de surface et lissage des canaux pour réduire les pertes de charge ;
  • Interfaces céramique‑métal : sous‑couche active pour brasage sélectif
  • Pièces mécaniques : amélioration de la tenue en fatigue par réduction des irrégularités de surface.
  • Finition cosmétique sur pièces imprimées en 3D en complément du polissage jusqu’au miroir
  • Rechargement et durcissement de surface : sur pièces neuves ou réparation


9. Discussion, limites et perspectives
Le LiCS Coating® est un procédé de dépôt par nivellement par opposition aux procédés par ablation évoqué précédemment. Il ne dispense pas d’un usinage de finition dans les zones où les tolérances dimensionnelles doivent être resserrées. L’épaisseur ajoutée doit être intégrée dans la cotation fonctionnelle. 
La cinétique de diffusion/formation d’intermétalliques impose d’encadrer les cycles pour éviter l’embrittlement local sur certains couples métallurgiques. 
Enfin, les qualifications de domaines d’activités requièrent une réponse aux cahiers des charges spécifiques et une démonstration complète de la tenue en environnement (vibrations, vide thermique, dégazage) par familles de pièces.
Les perspectives incluent : l’extension de la gamme d’alliages de dépôt et de substrats traités, l’optimisation rhéologique pour le contrôle fin d’épaisseur dans des micro‑canaux, des qualifications de secteurs industriels, l’intégration du procédé LiCS Coating® dans les gammes industrielles dans les traitements thermiques post impression 3D. 

Références (sélection)

  1. F. Careri et al., “ Additive manufacturing of heat exchangers in aerospace applications : a review ”, Applied Thermal Engineering, 235  (2023) 121387.
  • AML Innovation, « LiCS Coating®: A new alternative for the post‑processing of metal parts from additive manufacturing », Conférence Treatments & Finishing, Lyon, 1–2 avril 2025 (présentation).
  • AML Innovation, « Présentation technique LiCS Coating – Formnext 2023 », 2023 (présentation).
  • AML Innovation, « Présentation commerciale – prestations & capacités », v23‑01, 2023 (présentation).
  • J.-Y. Lee, A. P. Nagalingam, S. H. Yeo, “ A review on the state‑of‑the‑art of surface finishing processes and related ISO/ASTM standards for metal additive manufactured components ”, Virtual and Physical Prototyping, 16(1), 2021.
  • European Space Agency (ESA), « Additive Manufacturing RF – Executive Summary Report », 2024.
  • D. Ashkenazi et al., “ Gold, Silver and Electrum Electroless Plating on Additively Manufactured AlSi10Mg ”, Coatings, 11(422), 2021.
  • R. Gumbleton et al., “ Evaluating the coefficient of thermal expansion of AM AlSi10Mg using microwave techniques ”, Additive Manufacturing, 29, 2019.
  • I. Piekarz et al., “ Low‑cost fully additively manufactured passive microwave components ”, Scientific Reports, 13, 2023.
  • L. Polo‑López et al., “ Waveguide Manufacturing Technologies for Next‑Generation Communications ”, Sensors, 21, 2021.

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