N°469 - Mars/avril 2021

N°469 - Mars/avril 2021

L’hydrogène est tout petit, mais il prend énormément de place…


L’hydrogène est le plus léger et le plus simple (un proton et un électron) de tous les éléments chimiques. C’est aussi le plus présent dans l’univers dont il compose 75 % de la masse, et il se retrouve partout sur terre à travers l’eau (H2O). Et malgré cette petite taille, il est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions de notre classe politique avec l’annonce par le gouvernement, d’un plan hydrogène à 7,2 milliards d’euros d’ici 2030 pour faire de ce gaz « l’énergie d’avenir de la France ». Possibilité souple de stockage des énergies renouvelables à production intermittente comme l’éolien ou le solaire, source d’énergie décarbonée se posant comme une alternative un peu idéalisée au diesel ou au kérosène avec « à la clé, 6 millions de tonnes d’émissions de CO2 économisés en 2030 », selon la ministre de la Transition Écologique, il constituerait la solution idéale… si on oubliait les problématiques d’entreposage et de production !
Du côté des ingénieurs et techniciens des matériaux, l’hydrogène nous le connaissons bien… et pas forcément sous un jour favorable. C’est en effet le compétiteur des réactions électrochimiques de réduction, et de nombreux travaux en galvanoplastie cherchent à limiter sa présence. Mais surtout, avec sa petite taille, l’hydrogène peut facilement diffuser dans un réseau métallique cristallin et y rester piégé. Il peut se combiner avec certains métaux ou dans des alliages comme ceux du titane pour former des hydrures métalliques. Plus généralement, il est à l’origine de la formation de secondes phases par précipitation ou recristallisation, parfois même par simple sollicitation mécanique comme dans le cas de l’écrouissage d’aciers austénitiques. Cela entraîne des modifications dans la microstructure ou dans la ductilité, à l’origine d’une forte dégradation des propriétés mécaniques des matériaux, encore amplifiée par la présence de contraintes qui peut conduire à la fissuration fragile ! Certes, il existe des solutions palliatives comme la prévention à l’exposition à l’hydrogène ou la mise à profit de sa grande vitesse de diffusion dans des opérations de dégazage. Elles sont cependant inadaptées aux grandes quantités mises en œuvre avec l’essor de la production d’énergie, à la mise en circulation de véhicules propres, au stockage et au développement de la ressource hydrogène.
Et c’est là que la communauté scientifique et technique du traitement des matériaux doit faire valoir ses compétences et son expérience. À nous de nous lancer dans la mise en œuvre de couches barrières à la pénétration avec des oxydes de surface, des revêtements à faibles coefficients de diffusion ! À nous de rechercher les conditions de traitements mécanique (laminage…), thermique et thermochimique (nitruration ionique…) dont l’implémentation dans ces situations inédites nécessite de lever de nouveaux verrous scientifiques et techniques ! Collectivement, nous avons la possibilité de nous mobiliser pour répondre à ces défis. Et devant l’importance sociétale et économique de l’enjeu, nous en avons peut-être même le devoir.

Jean-Yves Hihn, directeur adjoint, Institut UTINAM, UMR 6213 CNRS UFC, Besançon

Pour voir ou télécharger cette publication vous devez être abonné

Abonnez-vous

Pour voir ou télécharger cette publication vous devez être inscrit

Inscrivez-vous