N°455 - Décembre 2018

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Reach, des informations massives

Sur ces vingt dernières années, l’industrie européenne dans sa globalité a été confrontée à l’évolution de la règlementation autour des produits chimiques. Deux règlements européens majeurs, Reach et CLP (règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage) ont modifié notre façon de travailler avec les produits chimiques, tout en harmonisant les pratiques entre les pays membres. Ces deux évolutions, bien que largement bénéfiques, présentent des points difficiles à appréhender, manipuler ou exploiter. Commençons par l’évolution la plus visible, le règlement CLP. Il est la traduction européenne du système global harmonisé (SGH ou GHS pour les anglophones) et permet aux produits importés et exportés de bénéficier d’un étiquetage et d’une documentation commune, au moins dans la forme, entre les grandes zones économiques mondiales. Cependant, il reste des particularités, entre chaque « grande » zone économique, qui peuvent encore être un frein. Il arrive notamment que le système normalisé américain d’identification des dangers vienne en substitution de l’étiquetage SGH, ce qui peut ensuite poser problème aux opérateurs européens. D’autre part, les pictogrammes sont encore souvent mal décryptés par l’ensemble de nos entreprises et surtout de leurs employés. Prenons par exemple le SGH 08 (toxique, très toxique, nocif, irritant) qui est souvent compris comme identifiant uniquement les CMR, alors que ce n’est pas le cas.
De la même façon que le CLP est venu bouleverser nos étiquetages, la mise en application simultanée du règlement Reach a révolutionné notre façon de recueillir des données. Les fabricants et importateurs ont été (et sont) obligés, durant la procédure d’enregistrement des substances, de réunir des données toxicologiques et écotoxicologiques. Il s’agit de l’inversion de la charge de la preuve : le fabricant ou l’importateur doit apporter la preuve de la classification de sa substance. Pour ce faire, un cadre normalisé a été mis en place pour la réalisation des tests nécessaires. Cette procédure dans son ensemble a favorisé une production et une diffusion de données toxicologiques et écotoxicologiques sans précédent. Ce travail conduit certaines fois à une évolution extrêmement rapide sur certains points comme les classifications en CMR de catégorie 1, 2 ou 3. Du fait de la multitude des acteurs, une molécule peut donner lieu à des classements différents et cela dans la plus parfaite transparence. Il n’est pas rare pour une substance de trouver sur le site de l’ECHA une quinzaine de classifications différentes.
Ce foisonnement d’informations, parfois contradictoires, rend le travail difficile pour les personnes en charge d’analyser les risques et donc d’autoriser ou non l’utilisation d’une substance et de préconiser les moyens de prévention nécessaires. Et nous ne parlons pas du devoir d’information que le chef d’entreprise a vis-à-vis de ses salariés… Informer sur quelle base ? En définitive, ces évolutions réglementaires constituent de grandes avancées. Cependant, toutes les entreprises n’ayant pas forcément les compétences en interne pour analyser et exploiter des données aussi complètes, on peut se demander si nous ne sommes-nous pas en train de noyer l’information réellement utile ? Sans parler du fait que certaines substances dangereuses sont pratiquement bannies des entreprises, alors que celles-ci se retrouvent utilisées comme additif alimentaire ou dans des formulations cosmétiques… ceci reste un problème sur lequel il faudra statuer.

Lionel Greffe, responsable qualité, Presi

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