N°454 - Novembre 2018
La data science appliquée à la science des matériaux
Autonomie, intelligence artificielle… notre époque se tourne résolument vers le digital, et bruisse sans cesse de nouvelles idées. À mon sens, la dernière révolution technologique majeure a été celle de l’avènement d’Internet et des réseaux rapides, qui permet à ces nouvelles idées de se diffuser extrêmement rapidement et de toucher l’utilisateur final, donc nous tous – consommateurs finaux – au plus vite. La place qui m’est donnée ici ne me permet pas de lister toutes les applications, citons, bien sûr, les réseaux sociaux, les plateformes d’achat en ligne qui analysent notre comportement pour nous influencer au mieux, mais aussi d’autres cibles, par exemple les véhicules modernes, qui collectent des données, là aussi pour orienter notre comportement, le tout à base de « réseaux de neurones », concept en vogue.
Ces fameux « réseaux de neurones » et les algorithmes d’apprentissage associés, ont connu des révolutions récentes majeures qui ont permis de lever des verrous technologiques et résoudre des problèmes qu’on pensait jusque-là inatteignables (analyse d’image, de comportement…). Notons toutefois que le concept n’est, lui, pas nouveau, mais date de plus de 30 ans. Simplement, à l’époque, les moyens de calculs, les réseaux, ne permettaient pas d’envisager des utilisations pertinentes. Les bases de données – énormes – nécessaires à leur recalage n’étaient par ailleurs pas aussi développées. Données : le mot est lâché, tout est question de données, d’où qu’elles viennent. Notre taux de production de données est exponentiel, qu’il s’agisse de données expérimentales (i.e. toute donnée relevée sur un système réel) ou numériques (i.e. toute donnée produite par un modèle numérique mimant une certaine réalité). Exploiter au mieux ces données passe par une collaboration la plus intelligente possible entre des modèles de physique numérique traditionnels (souvent représentés par un système d’équations aux dérivées partielles) et des modèles statistiques – pour utiliser un mot à la mode : la data science — qui visent à défricher et organiser des corrélations dans des océans de données apparemment non structurés. C’est ce que de nombreuses équipes cherchent à faire dans des programmes divers axés sur « l’IA pour les systèmes de conception ». Appliqué à la science des matériaux, cela peut donner naissance à des systèmes de conception « materials by design » où ces corpus de données, associés à la connaissance fine des lois d’évolution physique des microstructures, permettent de créer automatiquement des nuances répondant à des objectifs applicatifs précis (tenue au fluage, conductivité thermique ou électrique, masse volumique…). Le chemin est encore long, mais nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère qui nous livrera des outils d’autant plus pertinents qu’ils reposeront sur un couplage intelligent entre tous ces « modèles » différents.
Frédéric Feyel, directeur modélisation et simulation