N°429 - Septembre 2014

N°429 - Septembre 2014

Les normes mal entendues !

En traitement des matériaux, les mesures, réalisées pour le contrôle des produits ou des processus de fabrication, ont été profondément modifiées par les certifications qualité et leur généralisation dans les entreprises. à titre d’exemple, l’examen des pratiques de mesure de dureté lors des premiers audits, avait un caractère un peu surréaliste. Il mettait en présence (et très souvent en conflit !) un professionnel persuadé que la mesure de dureté qu’il réalisait était un très bon outil pratique pour qualifier la validité de son traitement et un auditeur, souvent mécanicien, qui avec son habitude des mesures dimensionnelles voulait voir appliquer les mêmes règles qu’en mécanique. Des mots jusque-là exclus du vocabulaire des praticiens des traitements ont alors fait leur apparition, dont le plus flagrant est celui « d’incertitude de mesure ». Quel chemin parcouru depuis ces débuts pas si lointains jusqu’aux travaux du Cetim sur ce sujet et ceux décrits dans les excellents articles parus dans la revue Traitements & Matériaux sous les plumes d’Eric Laffineur (Marle Nogent) et de Monsieur Osmond (PSA Peugeot Citroën). Actuellement, nous assistons à une nouvelle poussée de la qualité qui ayant réglé le problème des systèmes de management avec les certifications ISO 9001, EN 9100, ISO TS 16 949, s’intéresse de plus près au processus de fabrication. Ainsi fleurissent et prospèrent de nouvelles accréditations imposées par les grands donneurs d’ordres : Nadcap pour l’aéronautique, CQI-9 dans le domaine automobile. Ces deux accréditations ont pour point commun d’exiger, ou pour le CQI-9, de s’inspirer, pour les mesures de température, d’une norme maintenant mondialement appliquée et mythique (surtout pour la difficulté à la comprendre et la mettre en application), l’AMS 2750. On pouvait donc s’attendre, sous ce nouvel aiguillon, à de nouveaux progrès touchant les mesures qui sont associées au processus de fabrication. Hélas, il n’en est rien, et plus particulièrement pour les mesures de températures qui sont au cœur de nombreux procédés en traitement des matériaux. Pire, ce sont des exigences de métier qui traduisent une attitude proche de celle évoquée plus haut pour notre praticien et ses duretés qui s’imposent actuellement pour la température. L’AMS 2750 ignore magnifiquement et totalement la notion d’incertitude et certaines de ses pratiques laissent sans voix les spécialistes de la mesure. 
Ce constat est connu, depuis longtemps, mais il est resté sans suite et aucune ouverture n’est apparue lors de la dernière révision de la norme AMS 2750 en juillet 2012. Les donneurs d’ordres, trouvant évidemment des points de faiblesse dans cette norme, rajoutent des exigences qui leur sont propres sans agir sur le fond et sans apporter de tolérances ou d’aménagements liés à cet aspect. Actuellement, si une entreprise souhaite améliorer la qualité et la précision de ses mesures de température, elle doit utiliser une méthode permettant d’évaluer ses incertitudes, puis ensuite entreprendre des actions pour les réduire. En revanche, si cette même société veut être accréditée, elle doit suivre une autre démarche qui lui donnera le droit, au nom de la facilité de vérification par les auditeurs, de transgresser les notions les plus élémentaires de la métrologie et qui lui interdira certaines bonnes pratiques pourtant validées par les métrologues et en usage dans les sociétés accréditées par le Cofrac. Comme on le voit, la métrologie a encore une large marge de progression et de beaux jours en perspective dans nos professions !

Christian Tournier, consultant

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